Gino Blandin

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Articles de presse

Les ancêtres d'Alphonse de Châteaubriant à Saumur


(cet article est paru dans le bulletin de la Société des Lettres, Sciences et Arts du Saumurois n° 159 de janvier 2010)


Alphonse de Châteaubriant n'est pas ou n'est plus un auteur très lu. Il a pourtant obtenu le prix Goncourt en 1911 pour son roman Monsieur des Lourdines. On ne trouve plus en librairie que son livre La Brière chez Grasset. Pour le reste de son œuvre, il faut chercher chez les bouquinistes.


La Grande Brière est un vaste marais situé au nord de l'estuaire de la Loire tout près de Saint-Nazaire. Aujourd'hui, c'est un parc naturel régional. Dans cette région, le roman La Brière d'Alphonse de Châteaubriant est une référence. L'auteur y a dépeint la vie et les mœurs des Briérons d'autrefois et même s'il a un peu forcé le trait ce n'en est que mieux. L'auteur du présent article, Briéron d'origine, a mis ce livre en bandes dessinées (1). Aussi a-t-il été assez surpris de découvrir récemment qu'Alphonse de Châteaubriant avait un lien avec Saumur.


(1) Blandin Gino, La Brière, d'après Alphonse de Châteaubriant, Parc Naturel Régional de Brière, 1991.


1 - La famille Van Bredenbecq


En effet, Alphonse de Châteaubriant s'appelait de son vrai nom Alphonse René Marie van Brédenbec de Châteaubriant.


Au XVIIe siècle, les van Bredenbecq étaient, en Hollande, les représentants d'une très ancienne branche de barons qui, à la fin du siècle précédent, étaient passés d'Allemagne aux Pays-Bas dans l'espoir d'y faire fortune. Les armoiries de la famille étaient : de sable à un lion d'or.


Au début du XVIIe siècle, la France n'est pas riche et elle tente de redresser la situation en faisant appel aux industriels expérimentés des Provinces-Unies. En 1658, Gaspard Henri van Bredenbecq est appelé par la ville d'Angers pour y fonder une raffinerie de sucre. Il a alors vingt et un ans. A Nantes, dix ans plus tard, il épouse une jeune compatriote de vingt-deux ans, Marie van Butsselaer, fille d'une ancienne famille des Pays-Bas. A cette époque, la ville de Nantes est pacifiquement conquise par toute une colonie hollandaise qui va pénétrer rapidement dans la société régionale, y créant ce milieu riche des armateurs.


Des documents indiquent que Gaspard van Bredenbec est le " maître des serviteurs " de la raffinerie de Saumur jusqu'en 1672. Ce poste est de la plus haute importance, c'est lui le maître raffineur, il doit savoir contrôler les délicates opérations du raffinage du sucre ; de sa compétence dépend la prospérité de l'entreprise.


En 1673, Gaspard van Bredenbec qui dirige alors la raffinerie de sucre d'Angers, demande des " Lettres de naturalité " qui lui sont accordées. Il disparaît prématurément en 1682, à l'âge de quarante-cinq ans. Son épouse, demeurée seule à la tête de la raffinerie, acquiert en 1690 la seigneurie de Châteaubriant sur la paroisse de Sainte-Gemmes-sur-Loire. A partir de là, la famille adjoint à son patronyme celui de " de Châteaubriant " qui sonne bien français. Marie van Butsselaer, à l'origine protestante, abjure après la révocation de l'Edit de Nantes et, à sa mort, est inhumée " au son de la grosse cloche " dans l'église de la Trinité d'Angers.


Les époux van Bredenbec ont eu sept enfants. Le dernier, Martin, épouse Jacquine Baralery des Granges dont il a sept filles et un garçon, Robert Mathurin, qui assure la continuité de la famille. Ce dernier s'expatrie à Saint-Domingue où il fait un riche mariage qui lui permet de devenir propriétaire d'une grande plantation de café, d'indigo et de canne à sucre.


Martin Robert, fils du précédent, après une carrière militaire, se retire à Angers avec sa femme Anne Désirée de Sézille et leurs deux enfants. Gaspard, le fils du couple, rejoint d'abord les Gardes du corps de Louis XVIII, puis, en 1815, suit le roi chassé par les Cent-Jours. Il quitte la Maison du Roi en 1822 et se retire en Vendée sur les terres de sa femme. Quelques années auparavant, le château de celle-ci avait été pillé par les colonnes infernales du général Turreau.


En 1862, après le décès de leur fils aîné, les Châteaubriant s'établissent dans une somptueuse villa à l'italienne qu'ils ont fait édifier tout près d'Hyères dans le Var. Le couple a huit enfants dont l'un d'entre eux, le benjamin, Alphonse René Marie de Châteaubriant, désobéissant à son père qui veut qu'il devienne militaire, fait les Beaux-Arts et se lance dans la peinture.


Ce rejeton pousse l'outrecuidance jusqu'à épouser civilement et par amour une roturière, Marie-Louise Arnaud. Et c'est près de Rennes, au manoir de la Prévalaye, que naît de leur union, le 25 mars 1877 Alphonse René Marie de Châteaubriant, le futur écrivain.


2 - Alphonse de Châteaubriant


A trente-quatre ans, Alphonse de Châteaubriant fait une entrée remarquée dans la littérature en décrochant le prix Goncourt 1911 pour son roman Monsieur des Lourdines. Il rencontre Romain Rolland avec lequel il entretiendra une correspondance durant de longues années. Il publie ensuite quelques romans, dont la Brière qui reçoit le prix de l'Académie française en 1923 et dont sera tiré un film muet (2). Mais la première guerre mondiale - à laquelle il participe comme infirmier - l'ébranle et le conduit vers le christianisme. En 1925, il est fait chevalier de la Légion d'Honneur. Des séjours en Allemagne après 1935 le portèrent à exalter le national-socialisme et l'" immense bonté " de Hitler dans La Gerbe des forces. Ce qui lui vaut de rencontrer le Führer en personne à Berchtesgaden le 13 août 1937.


(2) La Brière de Léon Poirier avec José Davert, Jeanne-Marie Laurent, Armand Tellier.


Sous l'Occupation, il s'engage sans réserve dans la collaboration en fondant l'hebdomadaire La Gerbe. Il est très ami avec Otto Abetz, l'ambassadeur d'Allemagne. Quand la situation commence à se dégrader sérieusement pour l'occupant, Châteaubriant prend le chemin de l'Allemagne avec madame Castelot , sa secrétaire (3). On le retrouve avec tous les collaborateurs notoires à Sigmaringen. Dans D'un château l'autre, Louis Ferdinand Céline en dresse un portrait pathétique. Châteaubriant est condamné à mort par contumace le 25 octobre 1948 par la 6e sous section de la Cour de Justice de la Seine. Il se cache sous un faux nom à Kitzbühel en Autriche et y meurt le 2 mai 1951.


(3) Mère d'André Castelot, le célèbre historien radiophonique de la "Tribune de l'Histoire".


Robert Canzillon a écrit de Châteaubriant : " Dans ce poète de la Brière et de la Basse Bretagne, on voulut d'abord voir un " écrivain régionaliste ". Mais son projet véritable était plus ambitieux ; il s'agissait de prouver que l'individu est en mesure, s'il le veut, de se libérer du poids de la fatalité ; Thimothée, dans Monsieur des Lourdines, Aoustin dans la Brière, attestent " le rachat de l'homme par ses propres efforts, par ses propres aspirations ". Peintre de la nature, Alphonse de Châteaubriant se voulait le chantre d'un humanisme torturé, mais triomphant. Cela le conduisit à une confuse synthèse du christianisme et du national-socialisme. Le ton messianique et la forme négligée de ses derniers livres peuvent, autant que la fumeuse idéologie qui y est exprimée, rebuter le lecteur moderne, mais la complexe musique de Monsieur des Lourdines, l'âpre violence de la Brière gardent, malgré l'allure un peu frelatée de l'intrigue et de l'analyse, un charme réel ".


Bibliographie


Beaumarchais, Douty, Rey, Dictionnaire des littératures de langue française, Paris, 1984.


Maugendre L.-A., Alphonse de Châteaubriant, 1877-1951, La Ferté-Macé, 1977.


Le site http://saumur-jadis


Remerciements à Anne Faucou et à Agnès Desnoës.


 


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